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Axes de recherche

   Tout d’abord une approche philosophique et philologique, qui s’intéresse précisément à l’apparition de ce terme dans la philosophie des Lumières et qui mette en lumière le passage d’une connaissance fondée sur une transcendance à une connaissance fondée dans l’immanence de l’esprit humain. Cette étude devrait prendre en compte aussi bien les théories politiques que morales et religieuse.

 
  Ensuite, une approche artistique : nous serons attentifs à la littérature, au théâtre (émergence de nouvelles formes dramaturgiques, comme le genre sérieux, censées éduquées par la mise en scène de sentiments vertueux) et enfin à la musique (passage d’une conception mimétique de la musique qui fait la part belle à la musique vocale à une conception plus métaphysique de la musique à laquelle correspond davantage la musique instrumentale).


    Mais c’est l’unité de la notion, à travers ses différentes manifestations, que nous aimerions dégager pour la distinguer à la fois des sensations, mais aussi des passions. En effet, comme l’écrit Frédéric Dassas, dans L’invention du sentiment ; aux sources du romantisme : « Opposer passions et sentiment, c’est en effet mettre en regard la diversité méthodiquement étudiée des premières, dans l’universalité de leurs manifestations, et l’unité intuitivement perceptible du second, dans l’intimité des expressions individuelles ». Il ne s’agit donc pas tant de s’interroger sur les mécanismes de l’âme, leurs effets et leurs causes que sur l’apparition d’une instance fondée sur la croyance en une vérité intérieure susceptible de donner accès à un degré supérieur de réalités. Toutefois, contrairement aux responsables de l’exposition ayant eu lieu sur ce thème au printemps 2002 qui datent l’invention du sentiment de la fin du XVIIIème, nous pensons que celle-ci est déjà en jeu un siècle plus tôt, à la fin du XVIIème.


    Dans la perspective d’une approche historique, le sentiment nous permet d’évaluer la relation paradoxale qui se tisse entre l’individu et la société à l’époque moderne. Le sentiment d’honneur par exemple, pourtant personnel et subjectif, est le révélateur de toute une société dans la mesure où il est partagé par tous ses membres. En effet, ce sentiment résulte d’un impératif social, bien qu’il soit strictement individuel; chaque individu étant le siège d’une configuration unique d’honneur. Ce sentiment appelle d’ailleurs à des appropriations individuelles tellement variées et non compatibles entre elles que lorsque deux individus se rencontrent et rentrent en rivalité, il est impossible de créer un consensus sur l’échelle des deux sentiments qui permettrait de juger le point d’honneur. Une véritable culture de l’arbitrage peut alors être remarquée dans la société, qu’elle prenne la forme du duel, ou plus tard du tribunal des maréchaux, elle permet d’arbitrer, de valider, de reconnaître l’honneur d’un individu au sein de la société. Le sentiment de l’honneur semble alors s’affirmer comme un véritable « individualisme collectif » pour reprendre l’expression de Tocqueville, nous permettant de penser l’émergence de l’individu dans une société de corps.

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